DC Français secondes

Delphine PUNUFUU / Seconde 1 - Weinum
  • Created on 2020-03-17 08:05:52
  • Modified on 2020-03-17 08:08:02
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Victor Hugo , Angelo , tyran de Padoue ( 1835 ) , Journée I , scène 1 .

La scène se passe en Italie , à Padoue en 1549 . Angelo , placé à la tête de la ville par le pouvoir de Venise , grande ville italienne , s ' adresse ici à Tisbe , une comédienne amoureuse de lui .

ANGELO
Écoutez , Tisbe1 . Oui , vous l ' avez dit , oui , je puis tout ici , je suis seigneur , despote2 et souverain de cette ville , je suis le podesta3 que Venise met sur Padoue , la griffe du tigre sur la brebis . Oui , tout-puissant . Mais , tout absolu que je suis , au-dessus de moi , voyez-vous , Tisbe , il y a une chose grande et terrible , et pleine de ténèbres , il y a Venise . Et savez-vous ce que c ' est que Venise , pauvre Tisbe ? Venise , je vais vous le dire , c ' est l ' inquisition4 d ' état , c ' est le conseil des Dix . Oh ! le conseil des Dix ! parlons-en bas , Tisbe , car il est peut-être quelque part qui nous écoute . Des hommes que pas un de nous ne connaît et qui nous connaissent tous , des hommes qui ne sont visibles dans aucune cérémonie et qui sont visibles dans tous les échafauds5 , des hommes qui ont dans leurs mains toutes les têtes , la vôtre , la mienne , celle du doge6 , et qui n ' ont ni simarre7 , ni étole8 , ni couronne , rien qui les désigne aux yeux , rien qui puisse vous faire dire : celui-ci en est ! un signe mystérieux sous leurs robes , tout au plus ; des agents partout , des sbires9 partout , des bourreaux10 partout ; des hommes qui ne montrent jamais au peuple de Venise d ' autres visages que ces mornes bouches de bronze11 toujours ouvertes sous les porches de Saint-Marc , bouches fatales que la foule croit muettes , et qui parlent cependant d ' une façon bien haute et bien terrible , car elles disent à tout passant : dénoncez ! Une fois dénoncé , on est pris ; une fois pris , tout est dit . A Venise , tout se fait secrètement , mystérieusement , sûrement . Condamné , exécuté ; rien à voir , rien à dire ; pas un cri possible , pas un regard utile ; le patient a un bâillon12 , le bourreau un masque . Que vous parlais-je d ' échafaud tout à l ' heure ? je me trompais . A Venise , on ne meurt pas sur l ' échafaud , on disparaît . Il manque tout à coup un homme dans une famille . Qu ' est-il devenu ? Les plombs13 , les puits , le canal Orfano , le savent . Quelquefois on entend quelque chose tomber dans l ' eau la nuit . Passez vite alors . Du reste , bals , festins , flambeaux , musiques , gondoles , théâtres , carnaval de cinq mois , voilà Venise . Vous , Tisbe , ma belle comédienne , vous ne connaissez que ce côté-là ; moi , sénateur , je connais l ' autre . Voyez-vous , dans tout palais , dans celui du doge , dans le mien , à l ' insu de celui qui l ' habite , il y a un couloir secret , perpétuel trahisseur de toutes les salles , de toutes les chambres , de toutes les alcôves14 , un corridor ténébreux dont d ' autres que vous connaissent les portes , et qu ' on sent serpenter autour de soi sans savoir au juste il est , une sape15 mystérieuse vont et viennent sans cesse des hommes inconnus qui font quelque chose . Et les vengeances personnelles qui se mêlent à tout cela et qui cheminent dans cette ombre ! Souvent , la nuit , je me dresse sur mon séant16 , j ' écoute , et j ' entends des pas dans mon mur . Voilà sous quelle pression je vis , Tisbe . Je suis sur Padoue , mais ceci est sur moi . J ' ai mission de dompter Padoue . Il m ' est ordonné d ' être terrible . Je ne suis despote qu ' à condition d ' être tyran17 . Ne me demandez jamais la grâce de qui que ce soit , à moi qui ne sais rien vous refuser , vous me perdriez . Tout m ' est permis pour punir , rien pour pardonner . Oui , c ' est ainsi . Tyran de Padoue , esclave de Venise . Je suis bien surveillé , allez ! Oh ! le conseil des Dix ! Mettez un ouvrier seul dans une cave et faites-lui faire une serrure ; avant que la serrure soit finie , le conseil des Dix en a la clef dans sa poche . Madame , madame , le valet qui me sert m ' espionne , l ' ami qui me salue m ' espionne , le prêtre qui me confesse m ' espionne , la femme qui me dit : je t ' aime ! - oui , Tisbe , - m ' espionne !

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